Les irréductibles de Lost
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Top films

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1Top films Empty Top films Ven 5 Sep 2014 - 3:49

Sudena

Sudena

Je propose d'ouvrir ce topic d'un type spécial: pour parler des nos films coups de cœur. Qu'en pensez-vous? Voici quelques uns des miens (dans l'ordre croissant de préférence:



Salo ou les 120 jours de Sodome




En 1975 le génial Pier Paolo Pasolini est au sommet de son art. Ses œuvres choc et anticléricales comme Le Décameron ou Les Contes de Canterbury ont défrayé la chronique et apporté la preuve de son talent extrême de cinéaste où la maitrise de la réalisation complète le plaisir et la perfection de l'écriture. Théâtralement on sent depuis toujours le tourment de cet homme marqué par la guerre et ses conséquences: résistant anarchiste il ne peut pas supporter le fait que des anciens fascistes enrichis sur le sang continuent à prospérer et à truster les hautes fonctions politiques. Sa terrible pièce Porcherie montre la violence qu'il ressent face à ça, violence qu'il a jusqu'alors changé en comédie dans des films peu politiques ou alors indirectement.
Mais en 1975 il ose franchir le pas et tente le pari d'adapter au cinéma le plus "osé" _et le plus génial intrinsèquement_ livre du marquis de Sade: Les 120 journées de Sodome. Sauf qu'il va déplacer l'action et la situer pendant la période de la république de Salo, la dernière période du fascisme dans une Italie en grande partie reconquise, la plus sanglante aussi. Partant de là le résultat ne pouvait pas être réjouissant, mais personne ne s'attendait à ça...

Dès le début du film la couleur est annoncée: des jeunes gens sont capturés par des dirigeants fascistes qui leur annoncent qu'ils sont officiellement morts et qu'ils n'existent désormais que pour satisfaire leurs plaisirs: il n'y a d'emblée aucun espoir, et dans tout le film les tentatives de révoltes seront étouffées dans l'œuf sans aucune pitié ni aucun espoir de réussite.
Le film commence et ce qui marque d'emblée est la mise en scène tant d'image que de musique: un décor banal, une musique au piano sans envergure, presque monotone, et une caméra fixe, sans zoom ni ralenti ni plans particuliers. Nous nous contentons de voir ce qui se passe, sans implication forcée. Mais très vite ce choix qui pourrait apparaitre comme rassurant nous met mal à l'aise et ça ne va cesser d'augmenter au fil du film...
Fidèle à l'œuvre de Sade le film est divisé en trois "cercles" qui chacun forment un crescendo d'horreur et de dégout absolument horrible, nous souille de plus en plus à mesure que nous le regardons. Il y a d'abord le cercle du "plaisir" où les différents plaisirs de la chair des quatre fascistes sont satisfaits: les jeunes gens sont nourris comme des chiens (et doivent se comporter en chiens) et doivent se plier au bon vouloir de leurs bourreaux. Le cercle s'achève en préparant les deux autres mais la présence et l'importance donnée aux pots de chambre laisse présager le deuxième cercle: celui de la "merde". C'est celui qui nous provoque des hauts le corps, qui nous terrifie par son réalisme et où nous sentons parfaitement l'odeur infecte des festins de merde ingurgités sous nos yeux, sans complaisance: c'est là que nous nous rendons compte que nous sommes nous aussi torturés... Mais _pourquoi? je ne saurais le dire_ quelque-chose nous maintient en fascination, nous empêche de nous détacher du film. Le dernier cercle arrive alors: c'est celui du "sang". Tortures diverses, suicides, meurtres sont le lot de celui-là, mais pas question d'être un seul instant condescendant: ces horreurs sont filmés avec la même distance, la même froideur, que le reste du film: pas de grandes gerbes de sang écarlate ou d'effets gore avec un grand jeu de caméra sur la souffrance des victimes, que nenni! nous restons avec le même plan, la même lumière, le même type de musique et nous sentons que quelque-chose est en train de se passer, quelque-chose d'innommable dont nous n'avons pas conscience. Et un plan soudain apparait, qui nous plonge au fond du fond de l'horrible et de la souillure: nous voyons l'action à-travers des jumelles! Simple, n'est-ce pas? mais ces jumelles sont le reflet de ce que nous étions en fait pendant TOUT le film: des fascistes! Nous nous pensions victimes, nous étions les bourreaux! nous voyions l'action avec le même regard qu'eux, la même concupiscence qu'eux!.. Une fois ce film terminé nous ne sommes plus les mêmes: impossible désormais de se regarder avec le même regard, impossible de croire en notre vertu. A titre personnel j'ai dû me laver les dents jusqu'à m'en faire saigner les gencives: jamais une œuvre ne m'avait fait autant d'effet: j'étais physiquement souillé...

Et c'est là le génie de cette œuvre: l'art est aussi fait pour ça, pour déranger, pour nous fouetter, pour nous faire réagir. Je remercie Pasolini et je crie au génie pour avoir osé faire ça, et pour avoir à ce point maitrisé le moindre détail, le moindre plan, le moindre mot... Alors qu'il avait fini de le réaliser et avant qu'il ne soit diffusé, Pier Paolo Pasolini fut assassiné. L'enquête fut bâclée et nul ne sait aujourd'hui les raisons exactes de cet assassinat, mais l'homme était tellement dérangeant, tellement fin, tellement intelligent, tellement de gauche (appelons un chat un chat) que je suis prêt à parier qu'au moins une des raisons a été de le faire taire et de ne jamais lui permettre de parler de ce film: il nous restera néanmoins cette œuvre posthume, sa plus géniale, sa plus terrible, sa plus cruelle: sa plus monumentale!..





The Devils Rejects



Le cinéma est-il une société hiérarchisée qu'un genre soit considéré comme méprisable et oublié des critiques "générales"? En fan de films d'horreur j'en ai bien l'impression en me baladant de ci de là et en voyant toujours la même excessive prudence de la part des "élites" quand elles en parlent... Pourtant je vais parler ici de ce que je considère comme une merveille incontournable du genre et qui pourtant est récent (le premier effet "gore" du cinéma date de 1926 ["Un chien andalou" de Bunuel] et son "âge d'or" des années '70 [guerre du Vietnam, affaire du Watergate...], mais au début des années 2000 les Etats Unis, en se lançant dans une guerre injuste et coûteuse, ont ranimé la flamme du genre)...
Rob Zombie avait, en 2003, réalisé un film qui avait été un vrai succès public: "La Maison des 1000 morts". Ce film rendait hommage aux grands films d'horreur des années '70 _en particulier "Massacre à la tronçonneuse"_ et innovait avec des images fluos et des clips intégrés. La famille de monstres était beaucoup plus attachante que ses victimes et c'est à eux que le public s'intéressait: ce point fut capital pour The Devils Rejects...
En-effet, en 2005, Rob Zombie fit une fausse suite de ce premier film, changeant radicalement l'histoire tout en gardant les personnage principaux... Caméra au poing, dans la chaleur étouffante de l'été du Texas, il fit souffrir ses acteurs et donna ainsi au spectateur une ambiance étouffante et crade qui personnalise esthétiquement ce film hors du commun: tout le temps on a l'impression qu'une odeur de sale, de sang et de poussière nous assaille...
Mais désormais la famille Luciole est à son tour pourchassée. Pourchassée par un shérif surdéterminé et hautement violent, ceux qui s'enfuient (le père clown [capitaine Spaulding] et les enfants Otis et Baby [les plus monstrueux lors du précédent film]), vont devoir survivre et pour ce ils vont passer leur temps à faire ce qu'ils savent le mieux faire: kidnapper, torturer, violer et tuer des innocents.

Très souvent les films d'horreur ont donné aux "gentils" un rôle complexe, leur faisant parfois faire des choses pires que les "méchants" (en particulier le génial La Colline a des Yeux de Wes Craven [1977]), mais jamais les rôles n'avaient alors été inversés, mais là... Et là est le génie du film! D'abord, Rob Zombie joue avec le cynisme qui est en nous: aussi pitoyables sont-elles, les victimes des Luciole ne suscitent que peu d'inquiétude: elles ne sont pas "à la hauteur" et leur mort est certaine et si nous sommes pris de pitié, la compassion ne joue pas... Ensuite, le shérif est, lui, véritablement une ordure (à noter qu'il vient du Texas: le message politique est évident...): violent, cynique au-possible, il suscite une répulsion incroyable d'emblée...et à mi-film le basculement se fait: le shérif devient l'ennemi à abattre et les Luciole (qui ne font RIEN de gentil) deviennent soudain des gens qu'on aime mais attention: qu'on AIME!.. Oui: on les aime viscéralement, totalement et inconditionnellement. Et la question de ce que nous sommes, de la frontière du manichéisme et des émotions vient à nous sans qu'on s'en rende compte: on est pris, on souffre avec eux, on hurle de joie et on pleure pour eux. Associé à des musiques parfaites, ce film est à mon sens une pierre énorme posée dans le monde du cinéma: un "survival" (ou "film viande" car il n'y a aucune intervention surnaturelle) génial, ultra-violent et ultra-gore mais quasiment parfait du début à la fin: il m'a enchanté et ému comme rarement...





Mon Oncle


Do mi-bémol ré (ré ré) do mi-bémol ré: les premières notes d'une mélodie au piano ou à l'accordéon: une marche joyeuse et naïve accompagnant des chiens sortant d'un vieux quartier populaire d'une ville en pleine mutation dans les années '50: ils franchissent un mur défoncé qui les amène dans le quartier ultra-moderne des nouveaux riches. Un teckel habillé d'une sorte de kilt ridicule pénètre dans un jardin qui n'a rien d'un jardin, avec une fontaine en forme de poisson en fer blanc qui n'est pas actionnée, devant une maison incroyable avec deux fenêtres rondes à l'étage donnant l'impression de deux yeux grotesques. Les bruits qui parviennent à nous sont à l'image de ce modernisme vide: le fou-rire n'est pas loin... Une simple scène sans paroles ni acteurs et Tati a déjà quasiment tout dit: ce mur défoncé est le symbole de ce film: le passage de la société dans la modernité avec tout ce que ça compote de déshumanisant. Mais l'optimisme ne va pas tarder à arriver sous la forme du fils de la maison "huppée" et surtout de son oncle: le fameux mr Hulot déjà vu dans Les Vacances de mr Hulot six ans plus tôt. Ce personnage naïf qui ne parle jamais et qui fait preuve d'une tendresse et d'une naïveté incroyables va s'insinuer chez son beau-frère Arpel lequel ,en tentant de le "caser" (humainement et professionnellement) va être "contaminé" par lui à son insu...

Que dire d'autre de ce chef d'œuvre du maitre Jaques Tati?.. Qu'il a inventé une certaine idée de la poésie cinématographique peut-être: la maison de mr Hulot avec ses escaliers, ses détours, ses oiseaux chantant dans un rayon de soleil en est une incarnation, de même que les "gueules" du vieux quartier (la logeuse et sa fille, le maraicher vendant ses salades en étant assis au bistrot, le balayeur qui ne pense qu'à parler, le chien promenant son maitre et tant d'autres [chaque revisionage est l'occasion de saisir une nuance de plus, une richesse supplémentaire, un rab de poésie...]). Pour orchestrer ça il y a l'accordéon et ses musiques insouciantes et entrainantes qui font sourire rien qu'à les entendre...
Le contraste est énorme avec les maisons et la population de la "haute": des gens huppés ridicules et pingres, d'une hypocrisie et d'une superficialité clownesque qui vivent dans des maisons vides en fer blanc, pleines de gadgets inutiles et aseptisées jusqu'à l'écoeurement (l'enfant s'y ennuie à mourir), avec des bagnoles plus inutiles les unes que les autres qui ne causent que des ennuis: leur milieu de vie est en fait strictement le même que leur milieu professionnel (l'usine "Plastac" dont les machines ont tendance à se détraquer). Ici pas de musiques mais des bruitages et des gags à hurler de rire (la maison "yeux" la nuit, les "saucisses-plastiques" sortie de la machine détraquée dans des bruits simples et inimitables, le jet d'eau poisson en fer blanc dont le déclenchement [chaque fois qu'un visiteur vient seulement] gargouille, racle et gloglotte de manière à chaque fois plus ridicule, etc...): ce sont bien deux mondes qui se côtoient et Tati voit avec tendresse et pessimisme le modèle "neuf" supplanter l'ancien...jusqu'au malicieux retournement final.


Mon Oncle est le deuxième volet de ce que j'appelle la "trilogie du passage à la modernité": avant lui il y a eu Jour de Fête (1949), après lui il y aura Play Time (1967) et entre-temps une poésie sociologique montrait la France en vacances (Les Vacances de mr Hulot [1953]). Ce film (qui date de 1959) est le pivot, le témoin de passage: le mur défoncé est le symbole par-excellence de toute la filmographie de ce Chaplin français. Le fou-rire se mêle à la nostalgie, la tendresse la plus pure côtoie le sarcasme le plus mordant, et tout cela dans un merveilleux cocktail parfaitement dosé et équilibré: il s'agit selon moi de la plus fine et de la plus parfaite comédie du cinéma français et le symbole d'une certaine époque: beaucoup ont tenté de la copier depuis mais aucun n'y est vraiment arrivé...





Et pour quelques dollars de plus...




- Pour une poignée de dollars est le premier western du réalisateur et Leone innove beaucoup dans ce genre qui déclinait nettement: le héros est un homme taciturne, cynique et mal rasé: loin du héros américain tout gentil typique... L'histoire est violente, des règlements de comptes y sont monnaie courante, et un humour certain s'en dégage... Pour illustrer le tout Morricone nous donne sa première musique culte. Mais pour autant Leone n'est pas encore totalement Leone: le manichéisme est énorme, le rythme reste rapide, es plans demeurent "classiques". Le film dure moins de deux heures (rétrospectivement c'est très court) et a reçu un énorme succès populaire: le genre a été dépoussiéré et deux acteurs très marquants jouent les rôles principaux: le "héros" Clint Eastwood avec pour la première fois son célèbre poncho et le "méchant" Gian Maria Volonte. Pourtant si l'histoire inspirera beaucoup son prochain film, Pour une poignée de dollars demeure un film d'essai qui n'aura pas d'influence réelle dans la suite de la carrière du réalisateur (peut-être plus du compositeur).

- Le même scénario global, les deux mêmes acteurs principaux dans des rôles très semblables, le même poncho pour l'un d'eux, le même genre et le même compositeur sont les éléments d'Et pour quelques dollars de plus...: un copié-collé en sorte... non! Pas du tout braves gens! Loin d'être ce "copié-collé" que les critiques ignares ont tant dénoncé à l'époque (sans tenir compte de son succès phénoménal), ce film est tout simplement le plus important de toute la filmographie de Leone et certainement l'un de ses tout meilleurs! Les éléments du western-spaghetti sont tous en place: un anti-héros comme personnage principal, de l'humour souvent cynique, un rythme lent avec des plans qui vont du large au zoom, un duel final en plein soleil dans un grand espace (et non plus dans une rue engoncée)... Mais Leone va plus loin, beaucoup plus loin! Il invente le duel à trois; il utilise pour la première fois des personnages au lourd passé et conséquemment les flash-backs qui auront une importance extrême dans les "Il était une fois" ainsi que le souvenir tragique d'une femme brune, il divise aussi pour la première fois son film en deux parties distinctes; enfin, et même si cet élément ne sera utilisé que dans un seul autre film, il utilise SON objet symbole: la montre à gousset. Morricone orchestre donc un western qui, s'il reste dans la tradition de légèreté des "dollars", est le précurseur des tragiques "il était une fois": sa musique en devient plus profonde, ses termes plus marquants. Et c'est le seul Leone où nous avons droit à un tel "méchant": toujours ses héros sont ambigus mais cette fois c'est le "méchant" qui tient le rôle le plus touchant (surtout rétrospectivement, au vu de tout le film): Gian Maria Volonte nous donne un récital et contribue à faire de ce film le premier "vrai" Leone: celui qui marquera toute leur carrière le réalisateur et le compositeur...

- On en arrive maintenant au plus célèbre: Le bon, la brute et le truand!.. Ce film offre une sorte de préquel aux autres car c'est dans celui-là que Eastwood trouve son fameux poncho. On sent aussi une volonté de "contrer" malicieusement Autant en emporte le vent en plaçant l'action selon la vision nordiste de la guerre de sécession... Ce film conclut la trilogie des dollars et une certaine idée du "type" Leone: c'est en-effet son plus lent film et son plus long western (plus de trois heures). Parallèlement il est aussi son plus léger et son plus comique: finis les personnages torturés en quête de vengeance: voici trois bons cupides qui veulent une seule chose: des dollars! Eastwood, van Cleef et Wallach se lâchent et nous font mourir de rire...et d'impatience, ce que Leone a manifestement beaucoup calculé. Morricone, dans le ton, livre sa musique la plus légère. Le duel à trois reste un duel à trois "typique" (pas l'étrange ballet du désespoir arbitré par un tiers de son précédent film). Le cycle est conclu avec brio avec ce qui est certainement le film le plus maitrisé du réalisateur, celui où il donne toute sa pleine mesure artistique au sens pur du terme... Mais ce film abandonne l'innovation du film coupé en deux parties et a un fond global très léger qui me plait légèrement moins. Un western-comédie en quelque sorte.


- De la profondeur, de la musique, le retour des flash-backs, une fin ambigüe, l'absolu des plans sont les éléments principaux du culte absolu de tous les fans de western: Il était une fois dans l'Ouest! Un quatuor d'acteurs dans une vision dramatique de la conquête de l'Ouest avec des flingues, une obsession de vengeance, un amour très ambigu (charnel ou filial?..) et surtout un harmonica! THE harmonica avec la musique la plus célèbre de Morricone... Leone ose maintenant sortir de la comédie et exploiter le côté tragique qu'il avait déjà largement essayé dans Et pour quelques dollars de plus...: cela donne une mise en scène hors du commun (sa meilleure et sa plus complète), l'utilisation de quelques ralentis (pas beaucoup cependant) et un essai qui ne demande qu'à être transformé sur les relations entre les hommes... Que retenir de ce film?.. La beauté sculpturale de Claudia Cardinale? L'espèce d'homme-chef-enfant de Jason Robards? L'extraordinaire personnage que joue Charles Bronson? Le regard glaçant et glacé de Henri Fonda? Le jeu d'ombre, de flou et de regards dans les flash-backs? Le duel? On pourrait écrire des thèses sur ce film: je me suis contenté de savourer ces deux heures et demie et de me repasser en rêve de centaines de fois cette musique sensationnelle. Unique!

- Et Leone va plus loin encore et fait encore mieux (pour moi) dans son dernier western: Il était une fois la Révolution. Cette fois-ci on en revient au film divisé en deux parties distinctes (équilibrées contrairement à tous ses autres oeuvres), aux flash-backs déchirants (mais là ils sont multiples et très divers), au souvenir d'une femme aux cheveux sombres, on décline totalement la trame de l'amitié tragique... L'action se passe cette fois-ci au vingtième siècle, pendant la Révolution mexicaine, aves des personnages entrainés malgré eux (du moins pour l'un d'eux) dans un combat qui n'est pas le leur mais dont ils vont devenir des héros... Le film utilise deux aspects de mise en scène qu'il exploite à fond: le ralenti et le zoom. Associé à cela il y a la plus belle et la plus touchante musique qu'Ennio Morricone ait jamais composé! Plus on avance, plus la légèreté du début fait place au drame qui se joue sous les yeux des personnages: les charniers, les enfants morts, les trahisons présentes et passées (autre coup de chapeau: la profondeur donnée aux personnages secondaires...): rien ne nous est épargné! Ce film rentre dans une catégorie à part: personne n'avait jamais osé utiliser ce genre pour aller si loin dans le drame et la violence et le terme "western-noir" n'est pas usurpé. Le bad end est aussi une première (il est ambigu là encore mais à mon sens incontestable). C'est un film génial! et totalement bouleversant! Et l'anecdote veut que les deux acteurs jouant les rôles principaux (Rod Steiger et James Coburn) soient morts la même année l'un et l'autre, à quelques moins d'intervalle...


- On en termine avec Il était une fois en Amérique. Le plus long de tous (presque quatre heures). Leone sort du western pour faire un drame en trois parties entremêlées, avec des personnages sans gloire: des truands issus du quartier juif de New-York qui vont monter puis décroître et finir soit tués soit dans les souvenirs et la tristesse... C'est une sorte de méga-Leone: tout le réalisateur est résumé (enfin "résumé"... façon de parler) dans ce film. Mais pour autant ce film m'a déçu venant du réalisateur car je trouve qu'il n'innove que dans une chose: la question qu'on se pose au final sur la réalité ou non de cette aventure (n'est-elle pas un délire dû à l'opium?..). Sinon nous retrouvons l'amitié tragique, la longueur et la lenteur générales, le même genre de plans et de lieux (eh oui! un bar ou un saloon ça se ressemble!..), une montre à gousset, une femme aux cheveux sombres surgie du passé (même la scène du viol est la même que dans Et pour quelques dollars de plus...), des anti-héros ne pensant qu'à eux même s'ils sont utiles aux opprimés. De plus je n'aime pas beaucoup (ou plutôt "n'ai pas aimé la première fois que je l'ai vu") l'initiative du réalisateur de nous laisser mariner sans qu'on y comprenne rien pendant presque trois quarts d'heure: on a vraiment l'impression d'être pris pour des idiots! Heureusement la musique et la suite rattrapent le tout, aidés par le duo Robert de Niro/James Wood, absolument grandioses!.. C'est bien simple: si je veux voir "Leone" je regarde ce film, si je veux voir "un Leone", j'en préfèrerais un autre de loin...



Alors pourquoi mon préféré est Et pour quelques dollars de plus... ? Je pense d'abord parce qu'il est le plus équilibré dans son genre: il reste un membre de la trilogie des "dollars" ce qui lui donne des enjeux bassement pécuniers et des scènes au potentiel comique certain (les apparitions "surprise" et les conversations entre Eastwood et Van Cleef [en particulier le duel "au chapeau"]), d'autre part son esthétisme: le soleil est omniprésent et les scènes en nocturne sont très rares: on sent la chaleur s'insinuer, la luminosité nous aveugler, les terrains et les constructions blanc immaculé appeler et cacher le danger. Ensuite il y a la dramatique particulière de ce film: Van Cleef interprète un personnage dont on perçoit petit à petit la fragilité et son implication personnelle se fait de plus en plus flagrante jusqu'au duel final où il perd tous ses moyens. Et dans le même temps il y a Gian Maria Volonte: le méchant le plus troublant de tous les Leone... El Indio préfigure totalement le Noodles d'"Il était une fois en Amérique": un criminel déchiré qui ne cherche en fait qu'à mourir tout au long du film mais qui tombe à chaque fois sur des ennemis moins forts que lui, qui se protège dans sa cruauté et son cynisme mais qui se crée des amitiés personnelles profondes. Le duel final est le plus fascinant qui soit: comme je l'ai dit je le vois comme un "ballet du désespoir" entre deux hommes liés par un même souvenir (souvenir tragique d'une femme aux cheveux sombres qu'on retrouvera dans Il était une fois la Révolution et de façon plus "concrète" dans Il était une fois en Amérique) qui se détestent par nature mais qui l'un comme l'autre cherchent la mort. Son déroulement est de même extrêmement ambigu et ne parvient pas à nous contenter, effet augmenté avec la musique de Morricone (je vais y revenir) particulièrement belle et tragique qui vient conclure avec beaucoup de pessimisme le fait que la vainqueur d'un duel à mort...est toujours le moins humain, celui qui ne réagit pas émotionnellement aux choses... Dans ce film la montre à gousset est un personnage à part entière: clef du temps qui s'égrène elle est un rappel incessant du passé qui nous est petit à petit dévoilé. Elle sera reprise de la même manière dans Il était une fois en Amérique, et elle et sa musique sont totalement copiées dans les opus 2 et 3 de la saga Pirates des Caraïbes: la musique de Morricone s'associe à la perfection avec cette tristesse et cette mélancolie qui prennent petit à petit le dessus dans le film, à mesure que l'action se déplace dans des lieux plus déserts (Agua Caliente est aussi vide que blanche) et que le personnage d'El Indio et développé et creusé. Pour sa capacité à demeurer sur la corde raide entre drame et comédie, pour la profondeur de ses personnages, pour le jeu parfait des acteurs (même s'il est moins connu je tire un coup de chapeau phénoménal à Volonte, abonné souvent aux rôles de méchants et qui démontre que son potentiel dramatique était bien plus riche), pour la musique, pour le fait que tous les films ultérieurs de Leone seront marqués au fer rouge par celui-ci, il a dans mon cœur une place à part: la première de tous les westerns...

2Top films Empty Re: Top films Ven 5 Sep 2014 - 4:04

Sudena

Sudena

Scarface



Entrez mes amis... Ouvrez la porte sur la réalité du rêve américain selon Brian de Palma et soyez les bienvenus à Miami... Ici vous allez voir le destin d'un homme auquel vous allez de gré ou de force réussir à vous attacher: il est joué par Al Pacino et il s'appelle Tony Montana.

Voici pour le décor général: maintenant je vais préciser. Au début des années '80, Fidel Castro, pour désengorger les prisons, renvoie les opposants politiques aux Etats Unis. Sauf qu'il n'y a pas seulement des opposants qui embarquent pour la Floride à ce moment-là: il y a aussi les pires crapules: voleurs, petits trafiquants, hommes de main, etc... Et eux-aussi sont bien décidés à vivre leur rêve américain! Tony Montana est l'un de ceux-là et certainement pas le moins ambitieux!.. Avec son ami Mani, il va rapidement monter en grades dans le monde de la drogue, au milieu d'une ville pourrie jusqu'à la moëlle par les trafiquants où à quelques mètres des plages bondées on tue et on torture sans sentiment ni vergogne. Et il va réussir à atteindre le pinacle. Mais après le  sommet il y a toujours la chute, et la sienne sera méchante!..


Brian de Palma livre avec ce film et à-travers ce personnage illettré, frustre, violent et extrêmement déterminé qu'est Tony Montana la vision la plus implacable et cynique de la chute du rêve américain. Dans des décors et des costumes ultra bling-bling, sur des musiques typiques de ces années "fric", il nous dépeint sans aucune concession le monde de la drogue, des flics pourris et des parrains en passant par les hommes de main, sans oublier les femmes...et la famille (qui donne sa fragilité et son humanité au personnage principal). Après "Le Parrain", Al Pacino revient dans ce rôle de gangster qui lui colle à la peau avec une virtuosité sans pareille, mais cette fois-ci c'est une leçon qu'il s'agit de donner au capitalisme sauvage et à la corruption du système: le héros monte sur le sang des autres et sa devise "The world is yours" au milieu de cette entrée rouge comme le sang qu'il a sur les mains (et qu'on sent bien qu'il finira par verser), alors même qu'il est en train de se détruire avec sa propre came est d'un cynisme je trouve sans égal...

D'une certaine manière, Scarface ressemble au Il était une fois en Amérique de Sergio Leone, réalisé un an plus tard: histoire de gangsterisme, de régime pollué par la corruption, d'amitié tragique.... Mais alors que Leone a un ton infiniment triste et mélancolique, de Palma tape tout à fait à l'inverse: dans la violence, les images choc, l'ironie mordante... Mesdames et messieurs, je vous souhaite la bienvenue à Miami, ses stations balnéaires, ses boites de nuit branchées, ses bagnoles pas possibles, ses fringues ultra-classes: le luxe, les mecs friqués et les nanas sont à vous, il n'y a qu'à se baisser!.. Mais faites attention en sniffant votre coke: une rafale de mitraillette, une balle dans le front ou un coup de tronçonneuse sont si vite arrivés...




Amadeus


Fondu au noir, et un "ré" sonore déchire le silence, ouvrant sur une rue enneigée la nuit, manifestement au carrefour des XVIIIème et XIXème siècles... Telle est l'introduction de ce film et certains ont déjà compris... Car ce "ré" terrible, de cordes, de cuivres et de timbales, il n'en existe qu'un seul au monde: c'est le première note de Don Giovanni, qui orchestre aussi l'arrivée du Commandeur dans la dernière scène de ce que les musicologues ont toujours qualifié de "plus grand opéra de tous les temps"... Un spectre hante manifestement Antonio Salieri, ancien rival de Wolfgang Amadeus Mozart: ce spectre sera révélé progressivement alors que le film avance via la confession de Salieri...

En 1781, un jeune compositeur est arrivé à Vienne, précédé d'une réputation extraordinaire. Salieri, compositeur de la cour, voit avec effarement un petit homme puéril composer la plus belle musique qu'il ait jamais entendu... Se sentant trahi par Dieu, il va mener contre ce grand enfant (au rire désormais légendaire...) un combat sans merci. Le génie de Mozart, vulnérable, se heurtera à la médiocrité intrigante de son rival. Le résultat est couru d'avance: même si le génial compositeur va remporter des victoires éclatantes, il se heurtera à ses démons et aux intrigues des jaloux...et il y laissera sa vie.

Ce film a été critiqué sévèrement par les "mozartiens" qui l'ont jugé inexact historiquement parlant, trop humoristique sur le personnage de Mozart...en fait ils n'ont jamais encaissé que Milos Forman ait pu, par un coup de génie à la mise en scène sublime (à Prague, dans des décors souvent naturels), aux costumes magnifiques, à la dramaturgie inégalable, servi par des acteurs absolument sensationnels (F. Murray-Abraham et Tom Hulce) populariser la musique de Mozart: l'étroitesse d'esprit de ces gens montre bien la différence entre érudition et intelligence... Car c'est un chef d'oeuvre absolu que Forman nous présente ici, et un cours de musicologie extraordinaire: les explications de la Sérénade en ré et du Requiem (en particulier) sont tout simplement un sans faute, et parfaitement accessibles qui plus est!.. Mon seul regret a été de voir La Flûte Enchantée chantée pour partie en anglais: c'est la seule vraie faute du film à mon sens (car l'allemand a été employé et est même l'objet d'une conversation entre les personnages)...

Les musiques et la dramaturgie, parlons-en! La perfection de ce film est là, car rien n'est fait au hasard: après un début glauque, le récit de Salieri commence par évoquer un Mozart léger, heureux: cela se traduit par nombre de musiques en majeur comme la Sérénade en ré, le Concerto pour piano n°24, ainsi qu'une marche légère qu'on retrouve dans plusieurs de ses oeuvres. Les points d'orgue sont les deux opéras en majeur dont les  répétitions et représentations rythment le film: L'Enlèvement au Sérail et Le Mariage de Figaro... L'ombre du père de Mozart revient néanmoins, ainsi que quelques autres détails, rappeler aux spectateurs que la chute se rapproche pour le génial compositeur...

La partie centrale est assez courte: l'échec du Mariage de Figaro précède de peu l'annonce à Mozart de la mort de son père, et immédiatement Don Giovanni retentit, laissant sa dernière scène nous emporter par sa terrible splendeur. Les rues de Vienne désertes et la neige, d'inquiétants masques, et le Concerto pour piano n°20 (en mineur) annonce le terrible plan de Salieri: Mozart croit que son père vient le damner et les premières notes de Requiem retentissent: tout est joué et chacun le sait: je défie quiconque de n'avoir pas à ce moment frissonné...

La dernière partie est terrible et grandiose au-delà de l'imaginable: Mozart, qui se détruit lentement, fuit dans la troupe populaire de Shickanneder mais il est trop tard... Quelle splendeur et quel déchirement que d'entendre en parallèle raisonner La Flûte Enchantée (qui symbolise la vie que Mozart dévore au lieu de la savourer) et le Requiem aux accents de mort, cette mort qui se rapproche du compositeur que Salieri finit par tuer au travail dans uns scène mondialement célèbre... La mort et l'enterrement de Mozart est orchestrée par le "Lacrimosa": dernier mouvement que Mozart ait réellement composé...

Film dantesque, génial, sublimissime, Amadeus fait partie des cultes absolus du cinéma: je devrais ici parler tout autant des décors et des costumes ou du jeu des acteurs, car ils sont tout aussi remarquables; mais j'espère que ce film aura encore de belles années devant lui, car plus que tout, il est digne du personnage duquel il parle: et c'est pour moi le plus beau des compliments que je puisse lui faire...





JFK


22 novembre 1963, à Dallas : le Président des Etats-Unis John Fitzgerald Kennedy est assassiné. Son assassin, Lee Harvey Oswald, est arrêté le jour même. Il est abattu quelques jours plus tard par un certain Jack Ruby. La commission d'enquête sur l'assassinat du Président, menée par le sénateur Warren, conclut à la culpabilité du seul Oswald, grand sympathisant communiste : fin de l'histoire...

Pourtant trois ans plus tard le procureur de la Nouvelle-Orléans, Jim Garrison (Kevin Costner), commence à se poser des questions : les interrogatoires semblent avoir été bâclés, le thèse du tueur solitaire ayant utilisé seulement trois balles ne résiste pas à un examen logique, certains témoins n'ont pas été entendus, d'autres sont étrangement décédés depuis... Et qui était vraiment Lee Harvey Oswald ?.. En examinant le dossier et en essayant d'y mettre un peu d'ordre, Jim Garrison plonge dans un monde de vérités cachées où de mystérieuses forces semblent se liguer.... Petit à petit une horrible chose semble émerger : au risque de perdre sa famille Jim Garrison décide d'aller jusqu'au bout, de secouer l'immondice, car maintenant rien ne peut plus être comme avant...

Avec ce film au rythme frénétique, avec une musique psychédélique fabuleuse signée John Williams, parsemé d'images d'archives et servi par une énorme documentation sur le sujet, Oliver Stone nous plonge dans l'enquête de Jim Garrison sans concession, sans pause : le film suit un crescendo terrifiant que sa forme (c'est un thriller) renforce :  les poussées d'adrénaline sont légion, l'histoire nous prend dans un invraisemblable tourbillon et  sa portée va bien au-delà des passionnés d'Histoire...

Car quand on évoque le 22 novembre 1963 en fronçant les sourcils (à-savoir sans avaler telle quelle la vérité officielle du rapport Warren) les questions qui nous viennent sont généralement : qui a tué Kennedy ?  Qui s'est compromis avec la Mafia ? Quels étaient les complices d'Oswald ? C'est généralement pour ça qu'on regarde ce film, or ces questions sont mauvaises et plutôt que d'y répondre ce film nous force à nous poser les bonnes questions, les vraies questions...

Pour ce faire il part sur une double enquête, s'intéressant autant au meurtre de Kennedy qu'au personnage même de Lee Harvey Oswald (joué par un gigantesque Gary Oldman). Et rapidement une conclusion s'impose qui bouleverse le public et lui ouvre des portes aussi nombreuses que terrifiantes : Lee Harvey Oswald...n'a jamais tiré sur Kennedy ! il était innocent !.. A-partir de là l'enquête explore des pistes jamais envisagées : la Mafia devient un élément parmi les autres, les pistes se multiplient et mènent pour la plupart à l'extrême-droite cubaine et aux militaristes américains... Et après une inoubliable conversation entre Jim Garrison et un mystérieux monsieur X (Donald Sutherland), la question n'est plus de savoir qui a tué Kennedy mais pourquoi Kennedy a-t-il été tué ?.. La réponse à cette question est horrifiante et nous entraîne au coeur d'un effroyable complot : le 22 novembre 1963 n'est plus la date d'un simple assassinat politique mais d'un Coup d'Etat en bonne et due forme où les implications sont multiples et mêlent les forces du conservatisme, du racisme et du militarisme, sous la houlette de l'argent-roi et des tout-puissants lobbys des armes ; et Lee Harvey Oswald n'est plus un simple bouc-émissaire sacrifié par le gang mais un véritable martyr écrasé par des forces terrifiantes contre lesquelles il n'avait aucune chance.

Un autre homme n'avait aucune chance face à ces forces contre lesquelles il avait lutté pendant tout son mandat : le Président John Fitzgerald Kennedy. Après lui Martin Luther-King et Bobby Kennedy ont tenté de lutter contre ces mêmes forces : eux-aussi furent assassinés par des dingues solitaires, évidemment... Quand on a vu ce film, on sais au moins quelque-chose : le 22 novembre 1963, à Dallas, John Fitzgerald Kennedy n'a pas été "assassiné" : il a été "exécuté". Il n'avait aucune chance de s'en sortir vivant... Film titanesque et grandiose, JFK nous force à voir cette vérité : pour ce et pour sa réalisation sans faute, il fait partie du panthéon du cinéma, à voir absolument...




La Liste de Schindler


La fumée qui s'envole de la bougie éteinte à la fin du shabbat nous fait remonter le temps vers une nuit sans fond où un homme membre du parti nazi joue de son charme et de son audace pour s'enrichir, jouant sur le fait que les juifs ne pouvant rien gagner dans la Pologne de 1941 ses revenus seront multipliés... Pas grand-chose à dire de cet homme sinon qu'il est à sa manière attachant, qu'il semble voir les juifs comme des ouvriers et non comme des bêtes et qu'en laissant plus ou moins faire il évite à certains la déportation... Car parallèlement ces-derniers s'organisent, tentent  de survivre tandis que la nuit nazie se fait de plus en plus pesante, et utilisent la couverture d'ouvriers pour garder un certain espoir. Insidieusement pourtant, on sens que cet homme, nommé Oskar Schindler, a un bon fond, ce qui nous permet de sourire à le vue de ses nombreuses conquêtes...

Le massacre du ghetto de Cracovie change la donne. Tandis que la barbarie nazie, dans un noir et blanc donnant une terrible sensation d'authenticité, est montrée de la façon la plus implacable qui se puisse, Oskar Schindler croise pour la première fois, en regardant cet immonde massacre, la route d'une petite fille en rouge qui le marque plus que n'importe quoi d'autre. Cette petite fille débrouillarde échappe aux SS et file se cacher. L'homme ne sait pas derrière ce qu'elle devient mais son attitude change: désormais il prend des risques, utilise sciemment son usine pour protéger des innocents et s'il est encore très conscient de son intérêt il fait de la survie de se ouvriers une de ses priorités... Cette partie du film, assez longue, apporte comme un souffle d'espoir car on sent que Schindler peut même humaniser le SS Amon Goeth (joué par un Ralph Fiennes autrement plus convainquant que dans "Harry Potter"). L'espoir est de courte durée quand une pluie de cendres s'abat sur Cracovie: la politique nazie vient de mettre en oeuvre la Solution Finale...
Choqué par ce qu'il voit tomber du ciel en guise de neige, Oskar Schindler croise une nouvelle fois la route de la petite fille en rouge, mais cette fois-ci il ne peut rien y faire: la malheureuse est morte et son corps alimentera les charniers... Il devient alors ce qu'il a toujours été au fond de lui: un Juste, un sauveur de l'humanité... Quitte à se ruiner, il va sauver tous les juifs qu'il connait: hommes, femmes, enfants, et il va les protéger de tout et de tous pendant des mois, en refusant de plus d'employer sa force de travail au service de la Wermacht... Et quand vient l'heure de la capitulation, sa seule éloquence les sauvera encore des ordres de massacres. Il peut se retirer, au milieu de la reconnaissance éternelle de ses anciens ouvriers, mais avec le désespoir de celui qui a été incapable d'en sauver ne serait-ce qu'un (une?..) de plus...

L'histoire est tout à fait vraie et le film se termine par l'hommage de toutes les personnes qu'il a sauvé qui viennent, avec les acteurs interprétant leurs rôles dans le film, poser une pierre sur sa tombe à Jérusalem. Pour finir, Liam Neeson _qui interprète son personnage_ y dépose une rose sans montrer son visage...

La musique de John Williams, terrible et déchirante, complète l'oeuvre la plus monumentale réalisée sur la Deuxième Guerre Mondiale... Trois ans après la chanson "Né en 17 à Leidenstadt" de Goldman, un autre juif star d'Hollywood _Steven Spielberg_ se penche sur cette période atroce avec une pudeur, une poésie, une nuance, une intelligence et surtout une émotion totales qui bouleverseront aux tréfonds de leurs âmes ceux qui ont encore un coeur sur cette terre (et nous sommes nombreux dans ce cas, j'ose l'affirmer).

Je n'ai jamais pleuré devant un film mais quand j'ai vu celui-là ce que je ressentais était au-delà des mots et peut-être même des larmes. A Steven Spielberg pour l'avoir réalisé, à John Williams pour avoir composé sa musique, à tous les acteurs pour l'avoir joué, et bien que je mesure à quel point ce mot est dérisoire par-rapport à CA, je ne peux dire que merci mais je voudrais pouvoir en retranscrire le ton, ce qui m'est hélas impossible dans un écrit forcément indigne d'eux...





Barry Lyndon


Sur un fondu au noir retentit la "Grande Sarabande" de Haendel qui nous enveloppe de toute sa sinistre majesté: ces notes accentuées résonnent en nous comme autant de coups portés. Le propos de ce film, il n'est déjà plus permis d'en douter, sera violent et pessimiste.
Puis arrive la première image, le premier instant, le premier tableau... Et nous voilà tout d'un coup dans le monde de Gainsborough. Je n'ai pas de mots pour décrire la beauté hallucinante de cette image pourtant simple, son extraordinaire jeu de couleurs et de lumières: je sais seulement que la fascination qu'elle exercé est au-delà des mots et de la simple raison.

Et puis l'action commence: un simple duel au loin. Mais retentit alors une voix-off froide et ironique qui enlève tout suspense malvenu, toute pitié vis à vis des silhouettes, tout espoir... Le destin est en marche: rien ne l'arrêtera!

Le XVIIIème siècle nous envahit de toute sa splendeur et nous fait suivre pas à pas Redmond Barry (Ryan O'Neil): un jeune irlandais romantique, rêveur et courageux que les épreuves vont faire grandir et devenir un homme intéressé, cynique, égoïste, arriviste, qui gravira un à un les échelons pour arriver au sommet. Mais à ce sommet il trouvera des êtres encore plus vils, encore plus dénués d'humanité, encore plus répugnants que lui: sa chute sera lente, longue et implacable, et il sera trahi par tout ce qui fait que nous, public, sommes encore attachés à lui...

Pour narrer cette histoire, Kubrick donne son plus beau coup de maitre: la Beauté faite cinéma. Voix off, images grandioses, lumière naturelle même sur les scènes éclairées à la bougie qui donne aux jouissives parties de cartes un air de dessins de Calot. De duels en duels, de bassesses en bassesses, de triches en triches, le marasme s'infiltre en tous et nous donne cette étrange et terrible impression, accentuée par une façon de filmer typique du maître: celle de voir une version en costumes et totalement "aboutie" d'Orange Mécanique... Car même s'il n'y a aucune violence physique (ou si peu), le jeu parfait des acteurs dont la moindre nuance de regard, la moindre particularité physique ou vestimentaire hautement symboliques, sont parfaitement mis en valeur par la façon de filmer.

C'est simple: au moins chaque seconde serait digne de figurer dans une exposition de tableaux. Chaque plan raconte une histoire, chaque nuance accentue et fait avancer cette histoire qui parvient d'emblée à nous prendre aux tripes et qui nous fait progresser crescendo jusqu'au déchirement final; déchirement qui ne laisse aucun espoir tant il arrive en conclusion naturelle d'un ensemble implacable de choses, de petits faits que la dixième vision ne nous permet pas toujours d'apercevoir mais qui existent et remplissent le film à chaque instant, à chaque note...

Oui j'ai bien dit "note": car ce film n'est pas seulement un drame, pas seulement une exposition de tableaux: il est aussi une symphonie et il est permis de se demander jusqu'à quel niveau il n'est pas avant tout une symphonie. Comme dans Orange Mécanique, Kubrick utilise à l'envi quantité de musiques classiques dont les thèmes illustrent chaque scène, chaque personnage, chaque situation comme un opéra romantique, sauf qu'ici aucune n'est remixée au synthé _film d'époque oblige_. La grande majorité de ces musiques datent du XVIIIème siècle et auraient pu être entendues par les protagonistes. Deux exceptions notables néanmoins: "Il Barbiere di Sevilla" de Rossini orchestrant les parties de cartes, et surtout le Trio pour piano et violoncelle de Schubert, associé désormais à-jamais à lady Lyndon (sublime Marisa Berenson)... La plus utilisée, la plus nuancée, la plus terrible, la plus sublime, la plus caractéristique, est néanmoins la Grande Sarabande de Haendel. Dans ses moments les plus implacables, comme au générique de fin, elle est rythmée par des timbales accentuant le côté grandiose et pathétique de ce film.

De tous ceux qu'il a réalisé, ce film fut le préféré du grand Stanley. Sans nul doute son plus abouti, son plus riche, son plus personnel, il est en tout cas le plus merveilleux que j'aie jamais vu: l'incarnation cinématographique de la Beauté dans son sens le plus complet...



Dernière édition par Sudena le Mar 26 Avr 2016 - 2:30, édité 1 fois

3Top films Empty Re: Top films Ven 31 Oct 2014 - 0:51

Sudena

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Le Cabinet du docteur Caligari



Et si on parlait d'un film...vraiment culte? En 1919, Weine réalise un film d'un genre tout nouveau, avec un style tout aussi nouveau qui a fait et fera des émules aussi longtemps que le cinéma durera.

Voici l'histoire: dans une ville du sud de l'Allemagne, une fête foraine est organisée. Un mystérieux docteur, appelé Caligari, y tient un stand où il montre Cesare le somnambule. Mais plusieurs meurtres étranges se produisent alors dans la ville... Après le meutre de son ami _que Cesare avait prédit_, Francis (le narrateur) commence à soupçonner le docteur de manipuler le somnambule pour commettre des meurtres et dès ce moment il est trop tard: nous sommes déjà allés trop loin dans la folie pour pouvoir reculer...

Le film (muet bien sûr) se passe dans un décor hallucinant et halluciné, totalement peint à la façon d'un tableau de la Renaissance, tout en angles aigüs. Le jeu de caméra est du même acabit avec des gros plans, des fondus, et une couleur de pellicule participant à l'ambiance générale oppressante et horrifiante. Mais c'est certainement le maquillage qui joue le plus: outrancier, en adéquation totale avec le décor et la lumière, il est le parfait écho de la folie qui émane de tout le film...



Le Cabinet du docteur Caligari a sans nul doute inspiré Bunuel et Dali dans leurs futures collaborations (on jurerait que les décors sont de Dali), et il a initié au moins deux genres: il est d'une part le premier film d'horreur, avant même que Murnau, puis les américains, ne s'accaparent le genre (Nosferatu date de 1922), et d'autre part il est le premier film expressionniste, le manifeste de ce mouvement dont Murnau sera un fameux représentant, de même qu'un certain Fritz Lang... Lang a participé au tournage de Caligari et le thème de la folie meurtrière se retrouvera dans SON chef d'oeuvre, premier joyau du cinéma parlant: M le Maudit (1931). Il est d'ailleurs frappant, en comparant ces deux monuments, de constater à quel point M ressemble à Cesare (les deux sont des meurtriers...mais ils sont au final bien plus à plaindre qu'à condamner)...

Tout ça pour dire que ceux qui ne connaissent pas ce chef d'oeuvre doivent impérativement prendre une heure de leur vie (à plus ou moins vingt minutes près, selon la qualité de la restauration et au choix du montage) pour le savourer et découvrir une certaine idée du cinéma dans toute sa pureté...



Dernière édition par Sudena le Mar 22 Sep 2015 - 22:56, édité 1 fois

4Top films Empty Re: Top films Mar 11 Nov 2014 - 3:58

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L'Incompris




En 1967, Comencini réalise un film bouleversant sur l'enfance et la destruction d'un enfant... L'histoire commence ainsi: la femme du consul d'Angleterre à Florence vient de mourir. Enfoncé dans son deuil et pris par ses responsabilités, le Consul va vouloir protéger son fils cadet, de santé fragile, de cette vérité. Il comptera pour cela sur son aîné à qui il va avouer la vérité... Mais prenant le contre-pied du mélo "classique" au scénario archi-prévisible, Comencini ne fera pas de ce secret le point le plus important du film, et démontrera avec une terrible efficacité, une immense finesse, et une grande pudeur dénuée de tout manichéisme que l'incompris n'est pas celui auquel on s'attend...


Je ne sais pas ce qui m'a le plus bouleversé dans ce film... Cette façon de filmer si particulière, souvent à hauteur d'enfant et s'étendant sur ces décors de rêve de la campagne florentine dans de longs plans panoramiques? La finesse des personnages (en particulier du père, qui détruit son fils sans même s'en rendre compte et qu'on ne peut pas ne pas comprendre)? La relation entre les deux frères? L'arrivée providentielle du personnage de l'oncle qui pige tout de suite ce qui se passe et qui va agir en conséquence? L'équilibre entre comédie et drame dans jamais que ça paraisse forcé? L'importance capitale des objets propre au néoréalisme dont Comencini est un descendant direct? Ou bien la musique qui, à la fin, se pose doucement sur l'action et ne permet plus la moindre évasion émotionnelle en remplissant les silences (et quelle musique! l'adagio du concerto pour piano numéro 23 de Mozart, s'il vous plait!)? En tout cas, pour moi qui suis d'ordinaire rétif quant aux films sur l'enfance, celui-ci m'a retourné et ému comme très rarement un film l'avait fait. A faire fondre un coeur de pierre!

5Top films Empty Re: Top films Jeu 5 Mar 2015 - 4:02

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L'Avventura

En 1960 le cinéma italien est à son sommet. Marqué par le néo-réalisme, il devient plus "personnel" sur les sujets sociaux et acquiert une dimension très esthétique sans pour autant que sa beauté soit un simple artifice: elle sert et fait partie intégrante de l'histoire racontée. Comme souvent dans le néo-réalisme c'est un objet unique qui sert l'action, que cet objet soit physique ou imperceptible. Ses réalisateurs étudient les côtés complexes de l'âme humaine dans un contexte social, économique et/ou historique donné (et dans les réalisateurs j'inclus aussi Leone et les chantres du western spaghetti: aucune raison de les déconsidérer!). Et cette année-là deux films triomphent à Cannes, enfin "triomphent"...façon de parler. Car si Federico Fellini fait effectivement un carton (palme d'or et triomphe populaire) avec La Dolce Vita, Michelangelo Antonioni voit son film hué par le public (au point que Monica Vitti, son actrice principale et son égérie de nombreuses années, descendra les marches sous les sifflets, en larmes), mais gagner le prix du jury. Plus de cinquante ans après ces deux films sont considérés comme des cultes, La Dolce Vita restant plus accessible que L'Avventura (pas moins intelligente, mais plus acide sans aucun doute).

L'Avventura raconte l'histoire d'un jeune couple (Sandro et Anna) de la nouvelle bourgeoisie italienne, oisive et désabusée, qui part en croisière avec la meilleure amie de la fille (Claudia) dans les îles Eoliennes. Et pendant un après-midi de détente Anna disparaît mystérieusement. Sandro et Claudia, aidés des autres passagers, tentent de la retrouver...et puis on arrête tout et on recommence depuis le début, ou presque. Car cette disparition restera inexpliquée et la figure de l'absente sera en fait un spectre qui hantera et les personnages et le public, qui vont passer de l'espoir...à la crainte de la retrouver. Car progressivement se noue entre Sandro et Claudia une idylle compliquée, remplie de démons, de non-dits et de trahison. Une fascinante exploration de l'âme humaine, prise à la fois avec recul et empathie dans une Italie jamais totalement débarrassée de ses problèmes sociaux. Dans ce film, ouvertement intellectuel, Antonioni montre le vide, la peur, l'insatisfaction mais aussi l'amour, le remords...et la beauté. Chaque plan est à la fois à savourer et à étudier, revoir ce film plusieurs fois est à mon sens absolument nécessaire pour en saisir toujours plus les nuances (des plus évidentes aux plus fines [et les premières ne sautent pas forcément plus vite aux yeux]), mais quel régal! La scène de la recherche de la disparue dans les îles Eoliennes est d'une beauté incomparable avec des paysages et une lumière proprement divines, de même qu'est divine la beauté de Monica Vitti. La dernière scène, dure et poignante, est néanmoins emplie d'un formidable espoir et nous permet de respirer et de croire en l'amour...


6Top films Empty Re: Top films Jeu 26 Mar 2015 - 20:23

Sudena

Sudena

L'Aurore



Les répliques "cultes" sont-elles la marque de la cinéphilie? J'en doute beaucoup, ne vous en déplaise... Car ce film, réalisé en 1927, est considéré comme le plus beau du cinéma par Truffaut, et il nous transporte dans des sommets d'émotion avec une trame pourtant archi-classique mais mise en scène et réalisée comme jamais... Janet Gaynor et George O'Brien dans les rôles principaux, Freidrich Murnau derrière la caméra, une histoire d'amour, de séduction, de tentative de meurtre, de reconquête, de drame et de réconciliation merveilleuse, dans un noir et blanc sublime et excessivement peu de cartons pour narrer l'histoire (à l'aube du parlant, le muet a produit son plus grand chef d'œuvre [reconnu comme tel par tous les spécialistes]). Mieux encore: les personnages n'ont même pas de nom pour les désigner. Mais était-ce nécessaire? non bien sûr: jamais film ne fut plus sublimement simple, plus merveilleusement émouvant, plus extraordinairement beau. L'influence de l'expressionisme s'y fait sentir, et elle n'est pas pour rien dans son fabuleux traitement des émotions (eh! Murnau est aussi le réalisateur de films comme Le Dernier des Hommes, Nosferatu ou Faust!..), et une fois vu on a le palpitant en fête, les yeux pleins de rêves, l'âme en paix: le soleil s'est levé sur nous, et c'était beau, et c'était grand, et c'était merveilleux...

7Top films Empty Re: Top films Sam 28 Mar 2015 - 6:59

Sunil

Sunil
Administrateur

Sudena a écrit:Les répliques "cultes" sont-elles la marque de la cinéphilie?
Bien sûr que non, Sudena ! Juste un jeu... parce que nous sommes tous de grands enfants !

Tes critiques de film sont très intéressantes ! même si je n'ai hélas vu que 5 des films dont tu traites.
Je m'y plongerai un peu plus quand le temps me le permettra.

http://lost-forever.forumactif.org

8Top films Empty Re: Top films Mar 22 Sep 2015 - 3:01

Sudena

Sudena

La Rumeur





C'est en 1961 que William Wyler, sortant du succès phénoménal de Ben Hur, réalise ce film aux sujets si délicats dont le traitement, s'il peut paraître vieillot aujourd'hui, pas assez "osé", est à mon avis et au-contraire une merveille car il cache son audace derrière sa pudeur et son classicisme maîtrisé à la perfection dans le plus grand et le plus "classe" des majors: la MGM.

La progression dramatique de ce film est d'une efficacité diabolique, d'autant plus que le début est d'une banalité absolue qui pourrait facilement rebuter si elle n'était pas accompagnée par une mise en scène parfaite, une photographie sublime et des actrices à la fois magnifiques et totalement imprégnées de leurs personnages (j'y reviendrai). L'histoire, la voici: dans l'Amérique profonde, Martha et Karen, deux amies de longue date, ont ouvert depuis un an une école pour filles et elles commencent doucement à voir le bout de leurs ennuis financiers. Appréciées des élèves et des parents, elles sont les enseignantes modèles et bienveillantes qu'on aurait aimé avoir eues tout le temps dans notre enfance... Bien sûr ce n'est pas totalement parfait: Karen vient de se fiancer au docteur Joe Cardin ce qui inquiète et énerve Martha qui, malgré la sympathie qu'elle éprouve pour le bon docteur, a peur de perdre sa meilleure amie et de voir l'école s'arrêter (bien que Karen la rassure sur ces deux points); et surtout la tante de Martha, qui les aide certes un peu dans le quotidien, vit à leurs crochets et ne pense qu'à relancer sa carrière d'actrice. Mais le vrai problème va venir d'une élève infernale, mythomane et menteuse, pourrie-gâtée par sa grand-mère qui, pour se venger d'une punition tout à fait méritée, va faire courir une rumeur impardonnable dans cette Amérique puritaine: les deux jeunes femmes entretiendraient une relation homosexuelle...
A-partir de là le film s'emballe et change du tout au tout: l'école se vide d'un coup sans que les deux héroïnes n'y comprennent rien, l'horrible gamine, reconvertie maîtresse-chanteuse, maintient ses accusations et malgré le soutient du docteur Cardin (le seul à ne pas croire la rumeur), la rumeur fait son chemin, l'école est ruinée et les deux amies vivent en parias, ne sachant plus à quel saint se vouer. Car au bout d'un moment même Joe, qui aura perdu son travail pour oser être fiancé à une lesbienne (même si ce mot n'est jamais utilisé dans le film, pas plus qu'"homosexuel") finira par douter malgré lui ce qui terminera sa relation avec Karen: la rumeur a détruit deux vies: ces jeunes femmes ne peuvent plus compter sur personne. Heureusement la vérité finira par éclater: l'horrible menteuse sera démasquée et les deux héroïnes seront "réhabilitées"...

Mais tout se complique alors: car en même temps que cette heureuse fin point à l'horizon la question du fondement de cette rumeur s'insinue comme un poison dans l'esprit même des deux héroïnes. La question n'est pas de savoir si elles ont eu une relation sexuelle: en 1961 le code Hays sévit encore à Hollywood et on sait avec certitude qu'elles ne se sont jamais touchées. Non: la question est plus intime, plus profonde, repose sur les non-dits et le pouvoir de suggestion que Wyler réussit à insuffler dans son film, ce qui permet des interprétations bien différentes selon les ressentis. Dans la dernière demi-heure l'émotion devient paroxystique: les sombres et somptueux noirs et blanc de cette école abandonnée font écho à la culpabilité de Martha qui avoue son amour à Karen dans une scène déchirante d'une intensité exceptionnelle. Rongée par le chagrin, dévorée par le remords, sa réhabilitation aux yeux de la société ne la sauvera pas...
Mais si les sentiments de Martha sont à peu près clairs, ceux de Karen le sont beaucoup moins et prêtent à beaucoup d'exégèses (si vous permettez un mot aussi religieux pour désigner une relation que la Bible qualifie d'"abomination"...). Peut-être notre regard d'aujourd'hui est-il plus ouvert à ce genre de choses que celui de jadis mais des scènes existent qui délicatement suggèrent que l'amour de Martha n'est peut-être pas à sens unique (scènes dont à mon avis la délicatesse et la pudeur exaltent l'intensité, comme si, en nous cachant les épines, seuls les pétales de la rose nous caressaient l'esprit, permettant de mieux savourer son parfum)... D'abord il y a la manière dont Karen romp d'avec Joe: elle semble vraiment le forcer à reconnaître ses doutes et le pauvre homme semble complètement perdu et avouer contraint et forcé. De plus, une scène finale typiquement hollywoodienne est suggérée par le cadrage, qui verrait le couple se remettre ensemble...or Wyler refuse délibérément cet écueil et ne fait même pas tourner la tête à Karen qui s'en va sans un regard pour personne, la tête haute... Ensuite il y a la réaction de Karen aux aveux de Martha: derrière une négation apparente, jamais elle n'envisage de se séparer de son amie et lui demande de venir avec elle pour recommencer leur vie. C'st directement après ces aveux que la grand-mère de la petite morveuse (aussi  détestable qu'elle) vient s'excuser et annoncer que l'honneur des deux institutrices sera lavé avec dommages et intérêts, or Karen ne va pas l'annoncer en courant à Martha ni n'esquisse le plus petit signe de joie ni même de soulagement, au-contraire: elle la congédie séance tenante et reste dans l'entrée, sans mot dire, aussi perturbée qu'avant...

Ces scènes, bien sûr, ne seraient pas mémorables si elles n'étaient servies par un jeu et une réalisation phénoménales: aussi reconnaît-on parfaitement l'élégance typique de la MGM dans les costumes, les décors et certains mouvements de caméra. La puissance des images est au service de l'émotion: la grand-mère et la petite peste sont prises en pleine lumière les rendant particulièrement têtes à claques, impression renforcée par les nombreux gros plans sur leurs têtes blanches aux yeux bleus, où ne transpire aucune nuance ni pitié... Les deux héroïnes en-revanche sont construites sur des contrastes permanents de lumière que ce soit dans le décor où elles évoluent que dans leurs visages. Le paroxysme à ce niveau est probablement cette terrible scène où Karen découvre le cadavre de Martha: l'ombre géante des pieds de Martha pendue d'un côté, la silhouette gracile de Karen recroquevillée et sanglotant de l'autre: c'est très court mais ça en jette comme pas autorisé: quand on le voit une fois on ne l'oublie pas...
Parlons maintenant des acteurs: Fay Bainter, Miriam Hopkins et James Garner sont parfaits en personnages secondaires, les gamines principales sont magnifiques l'une de vilénie l'autre d'effroi "vrai" et brut, mais comme de bien entendu ce sont les deux actrices principales qui éclaboussent l'écran: Shirley MacLaine interprète une Martha toute de passion et d'amour, à la fois la plus "engagée" mais aussi la plus fragile des deux. Sa sincérité est déchirante et elle brûle comme le feu du volcan: trop ardente pour ne pas s'éteindre prématurément... A-côté d'elle Audrey Hepburn est une Karen très douce, très sobre, qui s'abandonne plus facilement mais qui dégage une très grande force au service d'une sensibilité bouleversante. L'actrice donne à son personnage toute sa grâce, sa beauté et sa classe inégalable...

Merveilleux film qui ensorcèle aussi lentement que sûrement, il se voit et se revoit sans lassitude aucune: on a beau parfaitement savoir ce qui va se passer et quand ça va se passer on a toujours autant envie de boxer cette affreuse gamine, d'arracher la tête de cette immonde grand-mère et de hurler aux héroïnes qu'on est avec elles... Son classicisme et sa quasi-austérité apparente cachent un double propos extrêmement osé tant sur les ravages de la rumeur que sur l'homosexualité, propos que sa pudeur décuple et empêche paradoxalement de mal vieillir (reproche que j'ai tendance à faire à Ben Hur du même réalisateur): un joyau pur comme un diamant, fragile comme une rose, émouvant comme une larme...

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Les Ensorcelés



En 1952, le réalisateur phare de la MGM Vincente Minnelli oublie le temps d'un film le technicolor et plonge avec un regard le plus objectif possible au sein de son propre monde... Les Ensorcelés raconte Hollywood à-travers trois figures "clefs" (un réalisateur, une actrice, un scénariste) qui partagent une même haine pour un producteur odieux qui, ruiné, a comme ultime espoir celui de faire un film avec ces trois personnes qu'il a trahi de toutes les façons possibles en s'accaparant une idée qui n'était pas la sienne et en évinçant au passage le réalisateur, en faisant miroiter son amour à une actrice pour en faire SA star, en éloignant sournoisement la femme un peu trop castratrice d'un scénariste de génie. Et pourtant ce producteur, qu'on découvre au fil de ces trois récits successifs, a quelque chose de fascinant, d'envoûtant, et surtout, outre son génie et son ambition totalement assumée (il est le seul à être honnête sur ce point), on a du mal à voir en lui quelqu'un de foncièrement mauvais: il semble vivre pour son métier, pour sa passion, et ceux qui l'ont croisé...sont devenus des stars indiscutées dans leur domaine...

Dans un noir et blanc envoûtant, Minnelli fait montre une nouvelle fois de tout son brio et de toute son élégance (aucun réalisateur n'a autant que lui incarné la Classe avec un grand C) dans un genre réaliste auquel il ne nous avait pas habitué. Servi par un casting fabuleux (Lana Turner est à tomber) il joue des lumières comme des couleurs dans ses autres films, dépeint les sentiments sans jamais les juger, et certainement pas le personnage principal. Celui-ci, incarné à la perfection de la perfection par Kirk Douglas, s'inspire de plusieurs producteurs ayant existé, mais particulièrement de David O. Selsznick et de Val Lewton (la scène où producteur et réalisateur ont l'idée géniale de ne jamais montrer l'objet de la peur pour le rendre vraiment effrayant est tout à fait celle qu'on peut imaginer entre Lewton et Tourneur au moment de tourner La Féline). Jonathan Shields est, selon les dires d'un personnage, "une drogue à lui tout seul": il nous prend, il nous envoûte, il nous dégoute mais peut-on lui résister?.. Chaque spectateur pourra se faire son opinion, chacun sera libre de haïr Shields ou de marcher avec lui. Phénoménalement dense et profond, ce film s'achève sur une scène symbolique, comme une boucle, autour d'un téléphone, ce téléphone que les trois narrateurs ont refusé de décrocher au début... Minnelli est un génie! Kirk Douglas est un génie! Et contrairement aux idées reçues je ne suis pas du tout d'accord pour dire que la MGM était le plus conservateur des cinq "majors": si elle était intraitable sur la forme elle était bien moins regardante sur le fond: la starisation de réalisateurs aussi fins et subversifs que Minnelli en est la preuve...

Mais la question demeure en suspens quant à mon "vote": Shields est-il coupable ou non-coupable?.. Et, tout en comprenant très bien les arguments contraires, je vais voter "non-coupable". A vrai dire j'ai rapidement voté "non-coupable" en regardant ce film car, selon moi, ce personnage est animé d'une telle passion, d'un tel idéal artistique, d'une telle idée de l'absolu, que ses actions semblent toutes entières dévouées à sa passion, passion qui emporte même ses sentiments personnels et les relègue au deuxième plan: plus que seulement fascinant il est parfois profondément touchant et il est le seul _ je dis bien le SEUL _ qui assume totalement ce qu'il est, sans se cacher ni se trouver d'âme damnée sur laquelle se défouler, âme damnée qu'il est lui-même pour les trois protagonistes. Une scène d'anthologie dans ce sens: on se souvient de celle, légendaire, de la fuite éperdue de Lana Turner sanglotant dans sa voiture dans un jeu de lumières génialissime (cette dernière scène est, pour l'anecdote, la préférée du réalisateur tous films confondus...), mais pour moi celle qui arrive juste avant est encore plus émouvante: lorsque l'actrice découvre la trahison de Shields, celui-ci la rejette et l'accable de mots d'une cruauté insoutenable, et pourtant Kirk Douglas a, dans cette scène, un regard empli d'une telle douleur, d'un tel dégoût de lui-même, qu'il est selon moi évident que Shields, à ce moment-là, se sacrifie pour de bon: il accepte d'être un salaud pour que le show puisse continuer, pour que Georgia puisse vivre sa vie et sa carrière sans l'entrave qu'aurait constitué son amour. D'ailleurs on remarque que plusieurs fois par la suite il prend des nouvelles avec une pointe de jalousie (pourquoi demanderait-il si elle est accompagnée ou avec qui elle sort s'il n'avait pas de sentiments pour elle?..), et elle-même est, visiblement, encore éprise de lui (après toutes ces années elle réagit encore avec la violence de la femme bafouée qui n'a pas encore tourné la page [elle en est même loin]). Jonathan Shields est un artiste dévoué corps et âme à son art, prêt à tout pour qu'il vive, même aux pires turpitudes. Réussira-t-il en fin de compte à les convaincre? Sans révéler la conclusion, disons qu'elle est là encore une merveille d'élégance "minnellienne" qui se savoure dans le non-dit et le tout montré: une définition même du cinéma où tout passe par le prisme de la seule caméra qui voit tout, montre tout, révèle tout, démontre tout... Cette dernière scène est en quelque sorte une ultime déclaration d'amour au cinéma d'un de ses plus grands serviteurs: le grand, le divin, le sublime, l'incomparable Vincente Minnelli...

11Top films Empty Re: Top films Sam 28 Nov 2015 - 23:39

Sudena

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Sudena

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Oh les enfants: je n'en ai jamais parlé ici?! Mais je suis un imposteur! indigne de tout! Je ne vous ai pas fait partager ce bonheur... Mais il ne sera pas dit que je n'aurai pas tenté de me rattraper: voici...






Le Chant du Missouri


 Ce film a toutes les apparences de la comédie gentillette et mièvre entre gens de la "haute" et ce dans le contexte d'une famille gaie, unie, heureuse et traditionnelle du début du XXème siècle. De plus on a beau chercher mais d'intrigue il n'est pas vraiment question: ce serait plutôt un assemblage de petites histoires quelque-peu entrecroisées sur des sujets simples qui apportent doutes, chagrins, joies et bonheur simples... Mais déjà la première nuance se fait: "simple" ne veut pas dire "banal" et pousse au-contraire à chercher un peu plus loin que les apparences, en se remettant par exemple dans le contexte de l'époque. L'exposition universelle arrive à Saint-Louis: certes ce n'est pas grand-chose mais c'est déjà ça: la situation n'est pas complètement ordinaire et le fait que la famille principale ait un téléphone est quelque-chose de neuf qui change discrètement le quotidien...

Et c'est là que nous arrivons au premier "coup" de ce film: si l'histoire est à-priori simple (j'ai bien dit "à-priori"...), son traitement ne l'est pas du tout. D'abord il s'agit d'une comédie musicale et c'est l'une des premières fois _ sinon LA première fois _ que ce genre est utilisé dans un contexte dramatique qui n'a, de près ou de loin, absolument RIEN à voir avec Broadway: aucun personnage n'est acteur, chanteur, producteur, metteur en scène ou autre, et le chant, ainsi, se "fond" dans l'action, l'illustre sans la commander ni même en être le prétexte. Et il faut voir, entendre, ces chants pour en saisir l'émerveillement: que ce soit le récurent "Meet me in Saint-Louis", le frénétique et pétillant "Trolley song", le très mélancolique "Have yourself a merry little Christmas" ou les autres, ils "coulent" avec magie pour faire partie d'une harmonie complète. Car si le film n'a pas UNE intrigue bien définie, il est pourtant, deuxième "coup", d'une fluidité incomparable, avec des personnages sublimement cohérents et surtout des rapports merveilleusement complexes...

J'en arrive alors au troisième "coup" que je n'avais pas envie de garder pour la fin: derrière son apparence simple et presque mièvre, ce film est en fait l'un des plus intelligents et des plus fins que j'aie jamais vus. D'ailleurs il suffit de voir dans quel état nous sommes à la fin: qui na pas eu les sourcils froncés, entrain de se demander ce qu'il/elle a vraiment vu? si Minnelli ne s'est pas copieusement joué de notre sourire niais pour délivrer un message hautement subversif? Connaissant un peu le réalisateur, c'est plus que probable... Car Le Chant du Missouri nous présente une famille patriarcale où le père est le chef de famille qui travaille et qui prend les décisions importantes, mais très vite l'image se trouble quelque peu. Car la famille est très majoritairement composée de femmes (il n'y a que trois hommes, et de trois générations, contre cinq femmes, plus une domestique qui est tout le temps là), et le père, souvent absent, a toutes les peines du monde à imposer son autorité: des événement lui passent à-côté et le grand-père dit dès le début "On le laisse nous entretenir" comme si c'était déjà grandement suffisant. Aussi, alors qu'il n'est même pas le personnage principal du film, est-il souvent en porte à faux avec le reste de la famille, mis son statut continue à faire de lui le chef, car tout le monde le regarde comme ça. Tout le monde? en fait tous ceux qui respectent les conventions sociales. Il n'est d'ailleurs pas du tout anodin de faire d'Esther (Judy Garland), symboliquement l'axe médian de la fratrie (troisième enfant sur cinq) le personnage principal du film, car elle respecte les conventions sociales tout en en souffrant... Et l'intelligence phénoménale de ce film est symbolisé par le fait que ce soit la petite Tootie qui, trop jeune, ignorant donc ces conventions, s'oppose le plus ouvertement à son père dans une superbe scène d'une violence inattendue (la décapitation des bonshommes de neige), mais parfaitement "dans le ton" de son personnage rempli de pensées morbides sans perdre un iota de son innocence candide: le happy-end n'en sera que plus beau car il est symboliquement la victoire des sentiments sur le qu'en-dira-t-on...

Quatrième "coup" de ce film mais non des moindres: la mise en scène. Je reviendrai sur la couleur plus tard mais dès les premières images la maîtrise des plans et des déplacements des acteurs ou de la caméra saute aux yeux: c'est un sans-faute le total avec des moments proprement magiques. Les personnages, à l'exception de la seule Tootie (ce n'est pas un hasard comme nous l'avons vu, et cet "échappatoire" n'est de plus pas "automatique"...) sont presque perpétuellement "encadrés" soit par un élément du décor, soit par d'autres personnages, et il s dégage de cela une poésie féérique, en particulier avec les cènes de Judy Garland dont le "cadre" est particulièrement visible et renforce son charme étrange et unique en son genre (elle n'a jamais autant ressemblé à une poupée de porcelaine). Et qui peut rester insensible à la perfection de l'échange de cavaliers derrière l'arbre de noël?.. Chaque "chapitre" du film se décompose aussi avec une classe splendide: la maison façon carte postale en photo noir et blanc dont le décor change selon la saison, puis "s'anime" et prend ses couleurs pour nous y plonger: c'est irrésistible...et c'est un pont parfait pou amorcer le cinquième et dernier "coup" de ce film: la couleur.

Vincente Minnelli n'est pas seulement le metteur en scène le plus élégant de tout les temps: il est aussi le meilleur coloriste qu'Hollywood ait jamais eu et si ce film a autant de classe il le doit en grande partie à son technicolor. Je trouve au technicolor une beauté, un charme, supérieur à toutes les autres techniques: quand je vais voir un film je ne fais pas de son réalisme un critère de qualité: ça n'a rien à voir selon moi, et je ne trouve pas du tout que le technicolor est un accessoire "kitch", pas dans l'absolu en tout cas. Et avec Minnelli, ce n'est jamais kitch, ce n'est jamais vulgaire, ce n'est jamais fatigant pour les yeux: c'est toujours sublime. Or dans ce film on touche à un must à ce niveau: aux couleurs "ensoleillées" de l'été, pleines de jaune, de vert et de rose, succèderont les effrayants orangés et noirs d'Halloween, puis enfin les nocturnes et hivernaux bleus et blancs de l'hiver, le tout dans une maison à forte dominante rouge. La couleur ne s'arrête pas à ça: elle s'unit à la luminosité pour proposer des scènes d'un autre monde, d'une poésie hors du commun. C'est particulièrement remarquable sur la scène ou Judy Garland chante "Have yourself a merry little Christmas" suivie du massacre des bonshommes de neige mais c'est surtout dans cette scène magie pure, d'un romantisme plus délicieux que délicieux, où les lumière sont éteintes petit à petit qu'on remarque le mieux cette association...

Pour toutes ces raisons Le Chant du Missouri fait selon moi partie des chefs d'oeuvre du cinéma: un film à découvrir et à voir sans modération. Un enchantement pareil ça ne se loupe pas...






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